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La conférence du général Philippe Mounier à Angers

Rencontres des Académies de l’Ouest à Angers, 11 juin 2021

D 4 juillet 2021     H 18:20     A P     C 0 messages


Lors des Rencontres des académies de l’Ouest à Angers le 11 juin dernier, le général Philippe Mounier a prononcé, comme représentant l’Académie de La Rochelle, une conférence sur l’ouvrage du Lieutenant colonel de Brack, Avant-postes de cavalerie légère .

Après La Rochelle en 2019, les académies de l’Ouest ont tenu leur assemblée annuelle le 11 juin dernier à Angers. Ces rencontres prévues initialement en 2020 avaient été reportées en raison de la crise sanitaire.
L’Académie d’Angers retrouvait à cette occasion ses locaux clos depuis le début de l’épidémie et les rencontres ont regroupé un certain nombre de nos académies de l’Ouest dans un format réduit à une seule journée compte tenu des circonstances.

A cette occasion, le général Philippe Mounier, vice-président de l’Académie de La Rochelle, a prononcé une conférence sur l’ouvrage du lieutenant colonel de Brack, Avant-postes de cavalerie légère dont vous trouverez ci-dessous le texte :

AVANT-POSTES DE CAVALERIE LEGEREdu Lieutenant-colonel de Brack

Mesdames, messieurs, chers amis académiciens,

Permettez-moi tout d’abord de me présenter. Je suis le général Philippe Mounier, en deuxième section parce qu’il n’y en a pas de troisième, vice-président de l’Académie des Belles-Lettres, Sciences et Arts de La Rochelle. Mon arme d’origine est l’infanterie. Alors que pouvez-vous vous dire ? Un « Biffin » pour nous parler du cheval, de la Bazane pour utiliser un vieux mot d’argot militaire ? De horribile visu et horresco referens. Je vous répondrai simplement que l’état de fantassin n’empêche pas l’éclectisme.

Avant-postes de cavalerie-légère est un ouvrage essentiel pour qui veut approcher la connaissance du cheval militaire et de son cavalier. Écrit en 1831 par le lieutenant-colonel Antoine-Fortuné de Brack, cet ouvrage, pédagogique, précis et lumineux, n’a pas pris actuellement une ride morale et intellectuelle. Il est encore lu et pratiqué aujourd’hui à l’École de cavalerie de Saumur, si proche d’Angers, et par les officiers de cette arme.

Que nous dit essentiellement ce livre ? Il nous affirme que dans les missions historiques de la cavalerie légère, le cheval et son cavalier ne réussissent leur mission que s’ils forment une véritable symbiose. « L’homme et son cheval ne font qu’un », nous dit l’auteur. Et, il nous le démontre de façon simultanément technique et morale.
Pour vous présenter cet ouvrage, nous verrons tout d’abord la définition de la cavalerie légère. Puis nous approcherons la personnalité de l’auteur. Nous approfondirons enfin la connaissance de ce que cet auteur appelle simplement « Souvenirs ».

Qu’est-ce donc que la cavalerie légère en 1831 ? Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire un cours de tactique pour candidat à l’École de Guerre, ni vous plonger dans les arcanes de la différence entre « l’Éclairage » et « la Reconnaissance ». Mais, vous savez comme moi qu’il est essentiel de bien cerner le sujet. En fait, de Brack présente, à des cavaliers de 1831, la cavalerie légère lors de son apogée sous le Premier Empire, ce seize ans après sa chute. Je reprendrai donc la définition lapidaire qu’il en donne dans les premières lignes de son ouvrage : « Le but de la cavalerie légère est d’éclairer et de protéger la marche de l’armée ». Sans anachronisme aucun, aujourd’hui l’on dirait : remplir des missions de renseignement et de sureté. Il rentre dans le détail de ces missions : « Devancer nos colonnes ; éclairer leurs flancs, les entourer d’un réseau vigilant et courageux ; suivre l’ennemi pas-à-pas, le harceler, l’inquiéter, éventer ses projets, épuiser ses forces en détail, détruire ses magasins, enlever ses convois, et le forcer enfin à dépenser en défensive la puissance offensive dont autrement il aurait tiré les plus grands avantages. » La cavalerie légère est bien l’arme qui tient les avant-postes.

Héritiers de la cavalerie de l’Ancien Régime à peine revisitée par la Révolution, pleinement employés par le Premier Consul puis l’Empereur, les régiments de cavalerie légère, cités et décrits dans son texte par le chef de corps du 8ème Chasseurs, sont avant tout les onze régiments de Hussards habillés à la hongroise, les trente et un régiments de Chasseurs tout de vert vêtus, les six régiments de Lanciers, dont le 2ème de la Garde impériale étincelant de rouge.

Il nous faut nous rappeler cependant l’existence d’une grosse cavalerie ou cavalerie lourde, formée des cuirassiers et des carabiniers, en charge d’emporter la décision et d’exploiter la victoire aux cris cent fois répétés de « Direction le trou de mon cul, en avant ! ». La cavalerie de ligne, elle, est composée des dragons, habitués à combattre à cheval ou à pied. Inutile de vous dire que ces trois types de cavalerie ne chevauchent pas les mêmes destriers.

Les Avant-postes ne traitent bien sûr que de la cavalerie légère, celle qu’a pratiquée Antoine-Fortuné. Dans ses propos, il nous fait d’ailleurs remarquer qu’il est fort dommage qu’il n’existât point en 1831 de règlement propre à sa subdivision d’arme. Mais la notion de règlement est totalement étrangère aux armées de la Révolution et de l’Empire qui appliquent, théoriquement, ceux de 1791, rédigés sous l’influence du général de Guibert. Ils n’avaient à vrai dire guère le temps de réfléchir, ni d’écrire. La guerre est un art simple et fait d’exécution disait Napoléon.

Né en 1789, à la charnière de l’Ancien Régime et de la Révolution française, Antoine-Fortuné de Brack est particulièrement représentatif de sa génération. Nous le caractériserons en disant qu’il est un homme de l’Empire et un homme de cheval. Mis au monde à Paris, il est le fils d’un authentique aristocrate, censeur royal, directeur général des fermes. Nous ne saurions vous dire quelle fût la destinée de son géniteur dans cette étrange période où les fermiers généraux furent guillotinés par fournées entières, tel le regretté Lavoisier. Rien qui soit digne d’être particulièrement signalé ne marque la jeunesse et l’adolescence du garçon, adolescence terminée à seize ans. On peut cependant penser que son éducation scolaire ne dut pas être simple. En effet, l’éducation scolaire des enfants, arrachée au clergé par les révolutionnaires des Lumières, ne fut ni l’objet principal de leurs soucis ni traduite en réalisations concrètes. Il a fallu attendre l’Empereur. Un biographe a la gentillesse d’écrire qu’assidu à l’étude, il montra une application aux sciences et manifesta de bonne heure ses goûts pour l’état militaire. Cela ne mange pas de pain. Il a quand même bien dû apprendre à monter à cheval. En fait, on peut penser que comme beaucoup de fils de la noblesse et de la bourgeoisie de l’époque, il fut l’otage de la politique de recréation sociale de Napoléon.

Compte tenu de l’époque, sa carrière militaire n’a toutefois rien d’exceptionnel. Il entre le 30 décembre 1805, à seize ans donc, à l’École Spéciale Impériale Militaire de Fontainebleau, dont la brutalité des mœurs est bien connue. Il en sort le 5 mars 1807 comme sous-lieutenant au 7ème Hussards, alors cantonné en Silésie. Il y est accueilli par le colonel de Colbert, cavalier illustre, chef de corps auquel il restera très attaché. C’est là qu’il fit sa rude application, chaperonné par le capitaine Curély qui devint son ami. Celui-ci, simple cavalier d’ancien régime, puis sous-officier républicain, termina maréchal de camp, placé à la retraite en 1815. Jeune et brillant officier à sa sortie d’école, beau, blond et élégant, Antoine-Fortuné fut surnommé « Mademoiselle de Brack » et alla jusqu’à obtenir en 1811 les faveurs de la princesse Pauline Borghèse, la volage sœur de l’Empereur. Ce qui, cependant, si l’on en croit la réputation de la dame, n’avait rien d’exceptionnel. Mademoiselle Mars prit la suite. Mais, nous ne sommes pas là pour éplucher les pages "people" de Gala. De Brack reçut le baptême du feu le 10 juin 1807 contre les Russes à Heilsberg, bataille de la 4ème coalition. Il participa, en Autriche, en 1809, aux campagnes de la 5ème comme aide de camp du général de Colbert. En 1812, nommé capitaine, il rejoignit le 2ème Régiment de Lanciers de la Garde Impériale, les Lanciers rouges, aux ordres du même général de Colbert. Il y effectua la campagne de Russie, 6ème coalition, alla jusqu’à Moscou, en revint en combattant dans l’arrière-garde. Il fit la campagne de 1813 en Allemagne et y fut nommé chef d’escadron. Il continua celle de 1814 dans les actuels Pays-Bas et Belgique alors français. Après l’abdication de l’Empereur, le 2ème Lanciers intégra la Garde Royale, puis rejoignit Napoléon après la fuite de Louis XVIII. Waterloo acheva l’épopée et de Brack mena un combat retardateur jusqu’aux abords parisiens. Les Bourbons le mirent en demi-solde. Officier de la Légion d’Honneur, il était toujours chef d’escadron. Réputé bonapartiste, il le resta.

D’aucuns pourraient appeler sa période de 1815 à 1829 « La traversée du désert ». Malgré des appuis familiaux, ses demandes de réintégration au service furent toutes rejetées. En 1829, demandé comme « chevalier servant » par la princesse Amélie, fiancée de l’empereur du Brésil, il fut autorisé à servir au Brésil comme aide de camp de cet empereur. Mais, en 1830, arrive la nouvelle de la prise du pouvoir par Louis-Philippe, l’« Usurpateur ». Il revient alors en France et sa réintégration dans les armes lui est enfin accordée. Nommé lieutenant-colonel au 3ème Chasseurs le 11 septembre 1830, il prit le commandement du 8ème Chasseurs, à Dôle, de 1831 à 1832 et c’est là qu’il publia son ouvrage Avant-postes de la cavalerie légère - Souvenirs, à la suite d’une conférence faite aux officiers et sous-officiers de son régiment.

La suite de sa carrière n’intéresse plus notre propos, mais il termina maréchal de camp, et fut liquidé par la Révolution de 1848.

Ce sont ses dix ans de service sous l’Empire et ses huit campagnes qui ont donné à de Brack l’expérience du combat propre à la cavalerie légère et lui ont fourni les matériaux pour rédiger son livre.

Qu’est-ce donc que l’œuvre de Brack ? Pour bien vous la faire saisir, nous commencerons par vous dire ce qu’elle n’est pas. Malgré son titre, ce ne sont pas des mémoires. Malgré son sujet, ce n’est ni un manuel de dressage du cheval, ni un manuel d’équitation. Cela n’a rien à voir avec les œuvres de La Guérinière, du comte d’Aure ou de Baucher, pour rester aux XVIIIe et XIXe siècles. Malgré son objet, ce n’est pas un règlement. Il n’est qu’à voir le format d’un règlement de l’époque : le règlement sur l’école de bataillon de 1831, quasi copie du règlement de 1791. Je vous l’ai déjà dit, en quarante ans, aucun règlement n’a été publié. Cela s’explique : les armements n’ont guère évolué depuis le fusil 1777 et le système d’artillerie de Gribeauval. Ce n’est pas non plus un manuel de stratégie, ni de tactique générale. Mais la tactique particulière de la cavalerie légère y est largement abordée.

Rédigés comme un catéchisme d’avant le concile Vatican II, les Avant-postes sont le narratif d’une expérience, un vade mecum vivant, un savoir-être et un savoir-faire, un guide à l’usage des chefs militaires de tout niveau. On dirait aujourd’hui un aide-mémoire. Tout est rédigé à l’indicatif présent sous forme d’une conversation, sauf les références historiques. Leur lecture est encore utile, même à un général, c’est vous dire.

Rédigés après ces quinze ans de traversée du désert, ils sont fondés uniquement sur les « Souvenirs » du lieutenant-colonel de Brack, d’où leur titre. Ce n’est pas la pâle compilation d’autres auteurs. C’est véritablement une œuvre originale. Il le certifie en tête de sa postface. Leur style n’a rien à voir avec les mémoires du Sergent Bourgogne, les cahiers du capitaine Coignet ou les souvenirs du commandant Parquin.

Ils ont connu neuf éditions. Nous sommes possesseurs de la 8ème, celle dite du général Weygand parce que ce dernier l’a ordonnée et préfacée. Elle a été publiée en 1942. Elle nous a été donnée par un de nos anciens, au 152ème RI de Colmar, où il avait trouvé une caisse de ces ouvrages oubliée par le 8ème Hussards, « les Frères », précédents occupants du quartier Rapp.

L’ouvrage initial se compose de trois parties complémentaires. L’exposition aux officiers et sous-officiers du 8ème de Chasseurs, dans laquelle l’auteur expose, justement, les raisons qui l’ont poussé à rédiger cet ouvrage. Les Avant-postes, proprement dits, répertoriés en quarante chapitres diversifiés, rédigés sous forme de questions-réponses, comme un catéchisme, abordant tous les points moraux et techniques concernant le service de la cavalerie légère. Il est clôturé par une postface, qui complète ce qui est écrit dans le corps du sujet, fait des commentaires sur les évolutions, ou plutôt l’absence d’évolution et l’oubli depuis 1815, et donne les derniers conseils aux sous-officiers et aux officiers. Les questions-réponses ne sont cependant pas du style caricatural bien connu du type : « De quoi sont les pieds du fantassin ? Les pieds du fantassin sont l’objet de soins constants ». Bien que simple, le style en est beaucoup plus élaboré. Les questions sont brèves, pas plus d’une à deux lignes, rarement trois, du type « Qu’entendez-vous par terrain bien choisi pour une halte de convoi ? » dans le chapitre Des escortes et des convois. Les réponses sont développées en fonction de leur importance.

L’édition de Weygand comporte en plus une préface signée du général et une biographie de l’auteur reprise d’une édition précédente. Ces quarante chapitres ne sont pas présentés dans un ordre rationnel et logique. Ils sont même désordonnés. On ne saisit pas bien le sens que l’auteur veut donner à sa composition qui ne présente pas vraiment de « fil directeur ». Mais tout relève du pragmatisme, de l’expérience, du vécu, du concret. Rien n’est échafaudé de façon abstraite, intellectuelle. Il traite ainsi tant du service courant, de la remonte, du harnachement, du ferrage, du cantonnement et du bivouac, de l’habillement, des soins médicaux et vétérinaires, que du rôle du chef, des valeurs morales, de la discipline et de l’obéissance, de l’autorité et du courage. Il développe en même temps les missions spécifiques de la cavalerie légère en temps de guerre, présentées en introduction. Mais il présente aussi le service d’une pièce d’artillerie, les systèmes de fortification. Sait-on jamais ? Déjà le principe de précaution… Il formalise ainsi la doctrine d’emploi de son arme et présente une véritable culture d’arme qui trouve ses premiers traités dans les armées de l’Ancien Régime, culture amplifiée par l’Empire. Je le redis, il n’y a pas eu solution de continuité. Ce qui est essentiel c’est que tout l’ouvrage tourne autour de la relation homme-cheval dans un seul but, la réussite de la mission. Il insiste en permanence sur la question du maintien des forces, celle des montures, celle des hommes : « Je le répète, les forces du cheval sont la fortune du cavalier ; si tout est dépensé en une heure, que reste-t-il après ? ». Il prévoit ainsi, sans le savoir, la déroute du corps de cavalerie du général Conneau qui en août quatorze épuisa en quelques jours ses troupes à force de chevauchées inutiles. Ses conseils pratiques sur la sûreté des mouvements ou des bivouacs annoncent les défaites d’août 1870 sur le plateau lorrain où Bazaine ne sut pas les faire respecter par sa cavalerie, surprise à Rezonville en train d’amener ses chevaux à l’abreuvoir.

Les forces morales, celles de l’homme favorisant celles du cheval, figurent en filigrane dans tout le texte. Dans son « Exposition », il présente les qualités dont doit disposer le chef de cavalerie légère. Faisant mentir avec plus de cent ans d’avance Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, paix à leurs cendres, il écrit : « Il faut naître cavalier léger. Aucun état n’exige autant de dispositions naturelles, un génie de guerre inné, autant que celui d’officier des troupes légères. Les qualités qui font l’homme supérieur, l’intelligence, la volonté et la force doivent se trouver en lui ».

Il traite de tout ce qui facilite le confort de l’homme et de la bête. Son souci permanent est de ne pas blesser l’animal : le harnachement, la façon de placer le tapis de selle, de régler les brides et les mors ; la ferrure. Il veille à l’uniforme du guerrier, pour ne pas l’encombrer de choses inutiles qui gênent le combat, surchargent le combattant, gonflent le porte-manteau et fatiguent le cheval. Il décrit les fourrages et les vivres qui sauvegardent animaux et cavaliers. Il surveille l’armement qui doit être adéquat et entretenu en permanence en vue d’une rencontre inopinée avec l’ennemi. Il va jusqu’à rédiger un court chapitre sur la pipe. Il l’ouvre par une sentence : « il faut donner le goût de la pipe au cavalier léger. Question : Pourquoi ? Réponse : parce qu’elle le tient éveillé. La pipe est une distraction secondaire, qui, loin d’éloigner le cavalier de son service l’y attache et le rend moins pénible ». De Brack termine cependant ce chapitre en citant Aristote, grand fumeur de l’Antiquité bien connu : « quoiqu’en dise Aristote et sa docte cabale, fumez et faites fumer vos chasseurs ». Claude Evin n’a plus qu’à bien se tenir. Mais les chasseurs de l’Empire avaient plus de chance de mourir d’un coup de sabre que du cancer des fumeurs.

Au plan de la santé, il présente les maladies du cheval et la façon de les prévenir et de les soigner. Il n’ignore rien : la morve, la gourme, le farcin, les coliques etc. Un chapitre intitulé « Instruction médicale » développe les règles de l’hygiène militaire du soldat : les cantonnements, les campements et les bivouacs qui doivent être sains, secs et abrités pour permettre le repos de la troupe. Pressentant l’influence du climat sur la santé des troupes, il se montre presque "écolo" avant l’âge. Un catalogue relativement exhaustif des maladies et des blessures des hommes allant du furoncle à la fracture en passant, je vous prie de m’excuser mesdames, par la chaude-pisse, les brûlures et les hémorragies, présente les symptômes et les traitements. La toile de fond de ces prescriptions reste le souci permanent d’amener le maximum de troupe montée au combat.

Il parle de la remonte. Il définit alors les qualités essentielles du cheval de cavalerie légère : « une santé robuste, de la vigueur, une taille moyenne qui favorise la légèreté ». Pour lui, pour qui la rusticité est un principe de base, ce que l’on appelait la « tournure, l’élégance » en fait, représente un superflu. Le cheval doit avant tout disposer « d’un corps court, d’un bon coffre, de membres vigoureux, d’une corne saine ». Il classe les races équines : « russes, polonais, hongrois, de petite espèce danoise, de Litoche (région de l’actuelle Bélarusse), française, ardennaise et dite allemande ». Pour les chevaux français, il privilégie « les espèces, auvergnate, morvandille, nivernaise, bretonne et béarnaise. La race normande est trop chère ».

Son texte est parsemé de considérations morales. Des chapitres sont consacrés au chef et à l’officier, à la discipline : « âme des armées, sans discipline pas d’armée, l’honneur en est le mobile ». Il traite du courage et de la lâcheté, de l’effet moral et du moral. Ainsi : « Qu’est-ce que l’effet moral en guerre ? Le sentiment irréfléchi de sa force ou de sa faiblesse ».

Il aborde des considérations véritablement techniques sur l’étude des terrains : « qu’est-ce qu’un plateau ? Qu’est-ce qu’une crête ? Quelle est la meilleure position défensive ? Un officier de cavalerie légère doit-il savoir dessiner ? » Il approfondit le renseignement. Parle des indices, des guides, des espions, des questions « à faire », des déserteurs, des prisonniers, des parlementaires, des rapports. Le cheval est toujours présent dans ces actions.

Mais là où le cheval règne est, sans conteste, la présentation des missions, dont il détaille l’exécution : les grand-gardes, piquets, petits postes, vedettes, patrouilles, détachements reconnaissance, charges, surprises et embuscades. Ainsi convient-il de « rencontrer l’ennemi avec des cavaliers plus unis, des chevaux plus frais que les siens ». Toujours l’économie des forces humaines et animales.

La postface n’est pas une conclusion classique. C’est une extension du texte. Elle sert surtout à de Brack à dénoncer l’inaction qui sévit depuis 1815. Pour ne pas mordre sur le temps consacré à Madame Michaux dont les propos sur le couple homme-cheval compléteront les miens, je ne présenterai pas le détail de ce laisser-aller. Je dirai simplement que les défaites successives d’août 1870 montrent bien que la cavalerie légère française avait perdu de vue les préceptes des Avant-postes.

Général Philippe MOUNIER
Vice-président de l’Académie des Belles-Lettres, Sciences et Arts de La Rochelle

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